Sept vieillards se souviennent de l'ancien temps, quand ils n'étaient encore que des gadouillots, et un conteur les écoute.
A travers leurs souvenirs, c'est tout un village d'autrefois qui renaît, qui s'anime et qui revit. Les vendanges succèdent aux moissons, on s'apprête à tuer le cochon dans l'attente de la batteuse, le feu des veillées crépite dans la cheminée... Prêtez l'oreille à votre tour : vous entendez déjà le marteau du maréchal-ferrant qui rebondit sur l'enclume de la forge. C'est le coeur du village qui se remet à battre !
Aucun romancier n'aurait osé imaginer la vie d'un person- nage aussi étonnant que bernard de la serre. cette fois encore, la réalité dépasse la fiction !
Fils d'un modeste métayer du béarn, bernard de la serre est né en 1646. rien ne le disposait à vivre de telles tribu- lations. Qu'on en juge plutôt !
Après le séminaire où on l'a placé de force, il devient cha- pelain du régent d'Espagne, ce qui constitue déjà un avancement prodigieux. les épisodes qui suivent ne sont pas moins surprenants.
L'abbé est capturé par les Barbaresques du Maroc, dans les bagnes desquels il croupit pendant cinq années.
Racheté par les Trinitaires, il regagne la France où il ob- tient un confessionnal en l'église saint-roch, à paris.
C'est là que, dix années durant, il devient le directeur de conscience de Monsieur, le frère de louis XiV. or, de conscience, monsieur n'en a guère. les scandaleux secrets que détient l'abbé de la serre lui valent d'être re- légué en une paroisse reculée de l'orléanais - l'envoyer dans la lune n'aurait pas été pire.
Perdu dans l'immensité de la beauce, le prêtre sent se réveiller ses origines béarnaises, fortement teintées de calvinisme. le voilà qui accepte de marier les protestants des alentours. ce crime abominé lui cause quelques alarmes, sans pour autant le détourner de sa complai- sance envers les huguenots.
Le chanoine bégon, cousin des colbert, jure la perte du fraudeur, qu'il dénonce au marquis de pontchartrain. le cas devient une affaire d'État. l'abbé de la serre est saisi au corps, embastillé, condamné aux galères à per- pétuité. il meurt à 61 ans, dans les fers de l'arsenal de Toulon, en 1707.
Ce personnage haut en couleur était connu des historiens et des généalogistes, mais le manque de documents em- pêchait d'approfondir les recherches. l'affaire dite « du curé de Nids » restait une énigme.
Gérard Boutet a eu une chance inouïe : celle d'exhumer des archives judiciaires jusqu'alors inédites. Ainsi a-t-il pu mener une véritable enquête policière et reconstituer l'iti- néraire de ce prêtre atypique. il s'est déplacé en béarn, en castille, en mille endroits où bernard de la serre s'était aventuré.
Le livre qui en résulte ne pouvait que prendre le ton d'un roman picaresque.
Subtil jus de la treille, sur quels tons n'es-tu pas louangé ? Mais l'enivrant nectar n'est un bienfait de la nature que par la science de l'homme : son élaboration nécessite un savoir séculaire.
Le vigneron " élève " ses cuvées au secret d'une cave, tel un alchimiste dans son antre. Il y a de la magie dans la transmutation d'un verjus en un vin gouleyant.
La vie des nombreux petits métiers qui animaient naguère notre pays. Cela va du berger au garde champêtre, du passeur d'eau à la filetière, tout un monde d'artisanat, d'esprit écologique avant la lettre, de gestes discrets et bien tournés qui rendaient heureux leurs acteurs et contribuaient à maintenir une économie locale. Une mine pour les conteurs.
C'était, je m'en souviens, un lundi de la mi-septembre 1781. Nous venions de croiser deux cavaliers. « Méfiance ! » grommela Grand-père qui se gardait des visages inconnus. Et, chemin faisant il me raconta que le secret des caillouteurs avait souvent excité de méchantes curiosités. Que je vous dise ! Les caillouteurs extraient des rognons de silex qu'on nomme les chailloux.
Ces chailloux, aussi gros que les melons, ils les débitent ensuite en pierres à fusil. Or, les pierres à fusil, croyez-moi, ça vaut presque son pesant de pierreries, à cette heure.
gérard boutet, gourmet et gourmand, s'est penché au-dessus des marmites de nos aïeules et en a rapporté plus de 200 recettes dont les parfums évoquent irrémédiablement des souvenirs d'enfance.
aux côtés de mets qui fleurent bon le terroir et qui s'assaisonnent de secrets de grands-mères, il livre de savoureuses histoires d'arrière-cuisine, sans lesquelles les meilleurs repas ne pourraient se concevoir.
Durant l'été 1724, au pire des chaleurs orageuses, la dépouille d'un homme est déterrée, étripée, salée. Puis, en dépit des abominables relents de putréfaction qui s'en dégagent, on la traîne par les chemins de la paroisse, accrochée à l'arrière d'une charrette, avant de l'exposer devant l'auberge du village. Ainsi passe la justice du Roi. Elle supplicie la mémoire d'un vieil huguenot dont le crime, à l'article de la mort, fut de n'avoir point renié ses convictions religieuses. Ce châtiment effroyable est le dénouement de l'affaire Moïse Gréjon qui suscita, à l'époque, un vif émoi dans le pays. Gérard Boutet - qui descend à la fois du martyr posthume et d'un des délateurs - ressuscite ce « procès à cadavre » dont sa famille fut doublement marquée.
Ces pages terribles reposent sur des faits authentiques. C'est l'intolérance de tous les temps, quels que soient les croyances et les prétextes, qui s'y trouvent mises en accusation. Au-delà de l'anecdote macabre, le livre renvoie à un fanatisme qu'on voudrait éteint à jamais.
Voici la vie quotidienne de sept paysans bien de chez nous, qui nous parlent de leur " village à l'heure allemande ".
L'ennemi occupe de nouveau le pays. Sa présence en dérange beaucoup, mais certains s'en accommodent... Sept paysans qui racontent tout, en vrac les premiers morts de 40, l'exode, l'accueil des premiers fugitifs, la solidarité, les imprudences, les rancunes, et ces mille petits détails qui donnent une dimension inattendue aux événements de l'Histoire officielle. Ce qui frappe dans ces récits, c'est leur aspect " chronique de la vie ordinaire ", qui les rend universels.
C'est aussi la sensibilité d'un écrivain qui, par ses qualités d'écoute et d'écriture, jette un pont entre les générations.
D'août 1914 à septembre 1939, d'une déclaration de guerre à l'autre, sept octogénaires racontent l'histoire, la grande, telle qu'ils l'ont vécue au jour le jour, au fond de leur village.
Un conteur les écoute, recueille leurs récits et nous les restitue, émouvants et chaleureux ; c'est aussitôt un village qui renaît, avec ses anecdotes et ses jours qui passent au rythme lent de la terre ; c'est la densité de la vie de l'ancien temps, qui n'était pas toujours " le bon vieux temps ".
Selon l'image populaire, c'était dans la forge du maréchal-ferrant que battait le coeur du village.
Tôt levé, tard couché, l'artisan marquait de son marteau sur l'enclume la cadence de la vie rurale. On lui prêtait d'étranges connaissances, des pouvoirs surnaturels qui lui conféraient une autorité indiscutée.
Ala fin de chaque automne, la forêt se repeuplait des gagne-misère qui, pendant la belle saison, l'avaient désertée pour se louer par les champs et le villages, au gré des moissons et des battages.
L'hiver ramenait les bûcherons au profond des futaies. C'était la société des bois qui, avec ses mentalités et ses coutumes, se reformait en marge du monde agreste.