«?L'accouplement est un cérémonial - s'il ne l'est pas c'est un travail de chien.?».
Au début des années soixante, un jeune homme est nommé instituteur dans un village du Périgord, le pays des grottes préhistoriques, entre Les Eyzies et Montignac.
Dense, tendu, plein de fulgurances et d'emportements le roman fait de cette terre l'espace à vif d'une quête amoureuse. Yvonne, la belle buraliste, porte en elle la brûlure du désir, tout le mystère de la différence des sexes - l'origine du monde.
Les voilà, encore une fois : Billaud, Carnot, Prieur, Prieur, Couthon, Robespierre, Collot, Barère, Lindet, Saint-Just, Saint-André.
Nous connaissons tous le célèbre tableau des Onze où est représenté le Comité de salut public qui, en 1794, instaura le gouvernement révolutionnaire de l'an II et la politique dite de Terreur.
Mais qui fut le commanditaire de cette oeuvre ?
À quelles conditions et à quelles fins fut-elle peinte par François-Élie Corentin, le Tiepolo de la Terreur ?
Mêlant fiction et histoire, Michon fait apparaître avec la puissance d'évocation qu'on lui connaît, les personnages de cette « cène révolutionnaire », selon l'expression de Michelet qui, à son tour, devient ici l'un des protagonistes du drame.
" je voudrais faire des portraits qui un siècle plus tard aux gens d'alors apparussent comme des apparitions " écrivait van gogh il y a justement un siècle.
Ces portraits, on peut douter qu'ils apparaissent aujourd'hui : comble de la valeur marchande, ils sont aussi peu visibles que les effigies des billets de banque. c'est que van gogh, qui accessoirement était peintre aussi, est une affaire en or. dans cette affaire, il est bien au-delà de son oeuvre maintenant, nulle part. j'ai voulu le voir en deçà de l'oeuvre ; par les yeux de quelqu'un qui ignore ce qu'est une oeuvre, si ce phénomène était encore possible à la fin du siècle dernier ; quelqu'un qui vivait dans un temps et dans un milieu où la mode n'était pas encore que tout le monde comprît la bonne peinture : ce facteur roulin qui fut l'ami d'un hollandais pauvre, peintre accessoirement, en arles en 1888.
Et bien sûr je n'y suis pas parvenu. le mythe est beaucoup plus fort, il absorbe toute tentative de s'en distraire, l'attire dans son orbite et s'en nourrit, ajoutant quelques sous au capital de cette affaire en or, sempiternellement. cet échec est peut-être réconfortant : il me permet de penser que le facteur roulin se tient nécessairement devant qui l'évoque à la façon d'une apparition, comme le voulait celui qui le fit exister.
P. m.
« Le roi, on le sait, a deux corps : un corps éternel, dynastique, que le texte intronise et sacre, et qu'on appelle arbitrairement Shakespeare, Joyce, Beckett, ou Bruno, Dante, Vico, Joyce, Beckett, mais qui est le même corps immortel vêtu de défroques provisoires ; et il a un autre corps mortel, fonctionnel, relatif, la défroque, qui va à la charogne, qui s'appelle et s'appelle seulement Dante et porte un petit bonnet sur un nez camus, seulement Joyce et alors il a des bagues et l'oeil myope, ahuri, seulement Shakespeare et c'est un bon gros rentier à fraise élisabéthaine. »
" Qu'il meure de ma main ou que je meure de la sienne, il n'assouvira pas sa faim, il n'entendra pas le mot de l'énigme ; pas plus que je ne l'entendrai, moi, Aetius. Tout cela me lasse jusqu'à la mort. Tout cela doit être. Combattons. Des chevaux galopent, des flèches passent comme un vol d'ibis. Mon casque. "
Un jour où, comme à l'accoutumée, il mène glander les porcs à travers la chênaie, un jeune paysan voit un carrosse s'arrêter dans le chemin.
Une fille très parée en descend et trousse haut ses jupes sous les yeux stupéfaits de l'enfant caché dans les fougères.
Cette apparition éblouissante, la chair blanche et les dentelles, le pouvoir qu'ont les puissants de jouir avec arrogance du luxe et de la beauté, il va désirer les faire siens.
Arraché à sa condition, il restera pendant vingt ans au service du peintre Claude le Lorrain. Mais la peinture n'aura pas su le faire prince et combler ses espérances.
C'est, pour finir, au coeur des bois qu'il se taille son royaume, un royaume sans illusions, simple et noir, fait de jouissances immédiates et d'un dépit triomphant qui fait résonner dans l'ultime phrase du livre ses accents diaboliques: « Maudissez le monde, il vous le rend bien. »
A travers l'exemple de Goya, un essai autour de la figure de l'artiste, dans ses rapports tumultueux avec les puissances sociales ou créatrices.
L'auteur livre une étude sur Piero della Francesca, proposant une réflexion sur le nécessaire affranchissement du peintre envers ses maîtres afin de devenir un grand artiste. Extrait du livre Maîtres et serviteurs.
« Qu'est-ce qu'un grand peintre, au-delà des hasards du talent personnel ? Ce peut être un homme qui a cru assouvir par la maîtrise des arts la toute-puissance du désir, à ce divertissement noir a voué son oeuvre, jusqu'à ce que son oeuvre, ou sa propre conscience, lui dise que l'art est là justement où n'est pas la toute-puissance : j'ai appelé cet homme par commodité Watteau. » P Michon. Ce texte de Pierre Michon sur Watteau est extrait du recueil Maîtres et serviteurs (Verdier, 1990).
Quand il arrive à castelnau, un village au fin fond de la dordogne, tout près de lascaux, le narrateur a vingt ans.
C'est son premier poste.
Derrière le rideau gris des pluies de septembre, entre deux dictées, le jeune instituteur s'abandonne aux rêves les plus violents - archaïques, secrets et troubles comme les flots que roule, en contrebas les maisons, la grande beune.
Dans ces contrées où se rejoue encore dans une forme ancienne l'origine du monde, le sexe sépare deux univers. celui des hommes, prédateurs, frustes mais rusés - terriblement.
Et puis celui des femmes, autour de deux figures que l'écrivain campe magistralement.
Hélène, l'aubergiste, mère emblématique, et yvonne, à la beauté royale, qui suscite chez le narrateur une convoitise brûlante et toutes les variations d'un émoi qu'il nous fait partager au rythme de sa phrase : emportée comme un galop de rennes dans une ère révolue, retournée en une scène grotesque où des enfants exhibent l'animal vaincu, mordante ou fuyante comme le loup des peintures rupestres.